[2. Impôts fonciers]

a) Impôt foncier

Tandis que l’extraction ou l’importation des ressources naturelles est susceptible de subir d’importantes variations en plus ou en moins d’une année à l’autre, les bases d’imposition de l’impôt foncier ne sont pas sujettes à variation tant que les limites du pays ne se trouvent pas modifiées. Dans le budget annuel de l’État, dont l’importance varie chaque année, on peut donc déjà s’appuyer sur un élément fixe qui est la superficie totale du pays et en déterminer un chiffre fixe que l’on pourrait calculer une fois pour toutes, en s’appuyant non pas sur la valeur actuelle des biens fonciers, mais sur leur valeur initiale, c’est-à-dire sur la valeur du sol à l’état de nature. C’est en effet cette valeur initiale qui seule peut être portée à l’actif de la collectivité. Il est bien entendu que tout le travail des siècles écoulés qui a augmenté la valeur réelle d’un fonds en s’intégrant dans la valeur initiale est une propriété privée et cette valeur ajoutée ne peut entrer en ligne de compte dans le calcul de l’impôt.

Il faut donc rechercher pour chaque commune et dans chaque commune pour chaque cas particulier la valeur imposable que l’on pourrait appeler la valeur géographique de chaque bien foncier, qui serait donc imposé selon sa superficie naturellement, mais aussi selon un indice fiscal permanent.

Cet indice de valeur tiendra donc compte des éléments d’appréciation tels que la constitution géologique du sol, le climat du lieu, l’altitude et la latitude, la pente et l’orientation du terrain et d’une façon générale de tous les éléments naturels et indépendants de l’action des hommes.

Les lieux sans valeur, parce qu’inaccessibles ou pour toute autre raison, ayant été affectés de l’indice 0 (et tenus par conséquent pour domaine public), les terres les plus riches ayant été affectées arbitrairement de l’indice 100, les différentes valeurs imposables des biens fonciers s’inscriraient donc entre ces deux indices limites.

Toute la superficie du pays, qu’il s’agisse des domaines privés ou du Domaine de l’État (Ponts et Chaussées, Eaux et Forêts, etc.) doit donc recevoir des coefficients définitifs choisis en tenant compte de la valeur originelle du lieu. Cela fait, l’impôt foncier s’établira sur chaque bien foncier proportionnellement à sa superficie et au coeftlcient de valeur qui lui aura été attribué; le produit de la superficie par ce coefficient donnera un chiffre que l’on pourrait appeler le chiffre fiscal permanent de la propriété. Par exemple, une propriété de 80 ha dont le coefficient adopté est 100 aura un chiffre fiscal de :

    80 x 100 = 8 000 points fiscaux;

une propriété de 120 ha d’un coefficient 5 aura un chiffre fiscal de :

    120 X 5 = 600 points fiscaux.

Quel que soit l’impôt foncier déterminé chaque année, on voit d’après ce principe, que, chaque année, le propriétaire d’une propriété de 8 000 points fiscaux paiera 8 000 / 600 = 13,33 fois plus que le propriétaire d’un domaine évalué à 600 points fiscaux ; la valeur du point fiscal est permanente et le total des points fiscaux pour un pays comme la France (55,1 millions d’ha) est obtenu en additionnant les résultats d’un immense inventaire préalable qui donnera par exemple :

  a ha de valeur fiscale nulle = 0 point;
  b ha de valeur fiscale 1 = b point;
  c ha de valeur fiscale 5 = 5 c points;
  m ha de valeur fiscale 50 = 50 m points;
  p ha de valeur fiscale 100 = 100 p points;
  etc. etc.

La somme des hectares représentée par l’addition de a, b, c, m, p, etc. etc. doit reproduire le chiffre global connu : 55,1 millions d’hectares; la somme des produits fiscaux 0 + b + 5 c + 50 m + 100 p, etc. etc. donnera un chiffre que je serais bien en peine d’indiquer, même approximativement, mais que l’on pourrait appeler T, total général des points fiscaux du pays.

Comme le nombre d’hectares du pays est permanent et également les chiffres fiscaux de chaque superficie privée, le total général T est permanent et c’est un chiffre connu de tout le monde une fois qu’il aura été établi à la suite du recensement de la valeur foncière du sol. Pour poursuivre la démonstration plus commodément, donnons-lui une valeur chiffrée, par exemple 1 200 millions de points, ce qui, entre parenthèses, suppose pour l’ensemble du pays un coefficient moyen de 21,778.

Supposons que, pour une année fiscale déterminée, le parlement vote un budget général de 150 milliards de F et que sur ce montant seulement 10 % du budget proviennent de l’impôt foncier, soit 15 milliards de F.

Si T = 1 200 millions de points, chaque point représentera donc :

  15 / 1,2  = 12,5 F pour l’année considérée.

Chaque propriétaire foncier saura du fait même quel sera le montant de sa cotisation : si son fonds est estimé à 5 000 points, il aura à payer :

  5000 x 12,5 = 62 500 F.

Il peut s’agir du propriétaire de 1000 ha, coefficient 5 ou de 100 ha, coefficient 50. Avec un coefficient fiscal de 5 000, leur charge fiscale est identique.

Voilà ce qu’il en serait de l’impôt foncier. Avant de passer à l’examen des autres ressources de l’État, il faut souligner que d’autres cotisations peuvent également être demandées aux propriétaires fonciers, celles-ci basées sur la valeur additionnelle de leurs biens, et en particulier celles qui frapperaient la propriété bâtie. Mais à mon sens, de telles cotisations correspondent à une autre destination et sont réclamées dans une perspective toute différente. Elles sont destinées à alimenter le budget des communes et doivent servir à couvrir les dépenses locales que les habitants décident ensemble d’engager pour leurs convenances particulières. Elles échappent donc au programme d’équilibre du budget national dont je me préoccupe ici et je ne m’en occuperai pas davantage dans ce livre.