Il reste aux autres patrons à prendre du papier et un crayon et à calculer à combien reviendrait une participation ouvrière équitable, aux propriétaires, actionnaires et gérants d’une entreprise et à comparer le chiffre obtenu avec celui dont ils sont redevables à l’État. Car ce calcul n’a rien de théorique. C’est parce qu’ils n’ont pas su partager qu’ils sont aujourd’hui taxés. Et le jour où le partage sera la règle, les impôts disparaîtront fatalement; j’en ferai la démonstration plus loin. Cette répartition des profits est une question de justice. Si l’on recherche la justice d’abord, comme nous y invite le Christ, on récolte « tout le reste par surcroît », comme nous le promet le Christ. Il n’est nullement besoin d’attendre l’autre monde pour s’en aviser ni pour s’en apercevoir pour peu qu’on ouvre l’œil. Et la réciproque est vraie : pour avoir cherché d’abord « tout le reste », sans souci de justice, les capitalistes s’aperçoivent aujourd’hui à quel point ils ont été maladroits et quel mauvais calcul ils ont fait.
Quoi qu’il en soit, la répartition des profits est déterminée dans les chapitres précédents en attribuant à chaque collaborateur dans l’entreprise une part proportionnelle au rôle qu’il a joué. Quand tout a été attribué il ne reste plus rien du bénéfice et par conséquent il ne reste plus rien pour l’État. Quoi de plus naturel puisque, à aucun moment, on n’a pu voir l’État jouant un rôle dans l’activité de l’entreprise.
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Il n’est pas possible de remettre en question le partage pour respecter des habitudes étatiques de prélèvement forcé sur les profits particuliers. La révolution économique se doit d’être complète et de prévoir pour l’État, dont les besoins en tout état de cause doivent être satisfaits, de légitimes ressources. Toujours est-il que l’État à ce moment ne se trouvera plus devant un bénéfice mais devant des bénéficiaires, et comme ces bénéficiaires sont des citoyens, l’aide à l’État ne va plus apparaître comme un simple problème économique mais comme un important problème politique. Il s’agit ni plus ni moins de savoir dans quelle situation le citoyen se trouve vis-à-vis de l’État.
En régime capitaliste la force de l’État provient de la division des citoyens, autrement dit de la lutte des classes. Mais, si les citoyens conviennent de mettre fin à leurs querelles et de s’entendre équitablement entre eux, le rapport de forces entre les citoyens et l’État s’en trouve bouleversé, et ce dernier ne disposera plus d’une autorité suffisante pour exiger et obtenir une contribution arbitraire. Ce sera aux citoyens, conscients d’avoir à subvenir aux besoins de la collectivité, de se cotiser pour équilibrer les recettes et les dépenses publiques. Dans de tels calculs, la notion de profit n’intervient pas, les avantages procurés par la vie en communauté devant être égaux pour tous, il n’est pas admissible que ceux qui travaillent plus supportent une charge plus lourde que ceux qui travaillent moins. D’autre part, le budget de l’État ne doit pas faire ressortir un profit, il doit être équilibré.
Naturellement opposer « contribution » à « cotisation » peut paraître spécieux, mais la distinction ne manquera plus de clarté si on se rappelle que nous vivons actuellement sous l’autorité d’un État qui n’est pas démocratique et à peine parlementaire. Les libertés essentielles des citoyens se trouvent garanties dans un régime où les dépenses publiques sont contrôlées et votées par les représentants d’une nation réunifiée. Ainsi l’élaboration du budget de l’État ne sera plus la chasse gardée d’une caste de spécialistes.
La principale condition pour remplacer le système fiscal actuel est évidemment d’en avoir un autre à proposer. Le chapitre suivant en exposera les bases. Auparavant j’aimerais comparer les positions respectives du travailleur et de l’État dans le système actuel :
Le but d’une révolution sociale est d’inverser la comparaison :