[2. Le rôle du capital]

Une autre objection se présente en me lisant. Elle consiste à dire : « Dans le cas d’une répartition des profits, on considère que le capital n’a droit à rémunération que dans la mesure où il sert à couvrir toutes les dépenses engagées au-delà des charges salariales. Mais cependant, il sert aussi à couvrir ces charges salariales. Pourquoi donc établir une différence là où elle n’existe pas, pourquoi ne tenir compte que d’une partie des services que rend le capital? »

Tout d’abord une première remarque. Le rôle du capital ainsi défini n’est pas tout à fait exact. Le capital social n’a ce rôle qu’au départ, tant que les ventes n’ont pas été possibles, ni conclues, ni payées. Par la suite, ce sont évidemment les recettes qui vont couvrir les dépenses et, autant que possible, au-delà. Et il y a aussi les services rendus par la banque pour niveler les échéances. L’utilité du capital-actions est ailleurs.

Toutefois, il est exact que la remarque est entièrement justifiée et mérite d’être prise en considération.

Il est exact que, dans l’exemple chiffré que j’ai choisi pour évaluer la répartition du bénéfice, le chiffre de 60 millions n’a pas de valeur absolue. Une confusion peut donc se produire. En fait, la méthode que j’ai adoptée est une technique, grâce à laquelle j’ai pu, par approches successives, déterminer le chiffre exact du prix de revient global et, grâce à cela, le bénéfice réel.

Ce n’est qu’une méthode. En fait, le capital est rémunéré par ce qui reste du bénéfice quand ceux qui ont joué un rôle actif auront reçu la part qui leur est due, soit :

1) Pour les salariés :

  • Une indexation du salaire de base en fonction du loyer de l’argent, donc en fonction d’un élément tout à fait étranger à l’activité intérieure de l’entreprise.
  • Une participation proportionnelle aux résultats de l'entreprise, due ici à l’activité déployée par tous.

2) Pour les cadres et le patron :

  • Une prime d’efficacité proportionnelle aux bénéfices.
  • Une participation supplémentaire également variable.

L’ensemble de ces deux rémunérations aboutit à une règle simple : si le bénéfice vrai est de n % calculé sur le chiffre d’affaires, cet ensemble destiné au chef d’entreprise et à ses collaborateurs, est représenté par :

 (n)^2         (n)^2
 ————————  ou  ———————
 (100)^2       10 000

Deux exemples en clair :

a) Le bénéfice est égal au chiffre d’affaires.

C’est qu’il n’y a eu ni salaires à payer, ni dépenses à régler et donc que le patron est tout seul, ce n’est plus une entreprise. Il a fait une opération qui lui a rapporté de l’argent qui lui revient dans sa totalité. C’est naturellement le cas limite, inimaginable d’ailleurs où n = 100.

b) Le prix de revient est égal au chiffre d’affaires; donc le bénéfice est nul, n = 0.

Et (n)^2 aussi par conséquent, aucun bénéfice ni prime pour personne. Le conseil va, si cette situation se prolonge, être renversé à la lin de son mandat.

Entre ces deux limites se situe une marche normale : si n = 1 %, (n)2 = 1 % x 1 % = 0,01 % du C.A. et ainsi à l’avenant.

Tout compte fait, tout se passe avec une telle formule, comme si les autres, c’est-à-dire travailleurs et actionnaires, accordaient à la direction une commission, un « pourboire » sur le bénéfice atteint, et une commission d’autant plus forte que le bénéfice obtenu est considérable. De cette manière, les éléments de valeur se trouvent récompensés; ceux qui comptent sur leur efficacité sont assurés d’être bien défendus.

Ainsi, quand les éléments actifs de l’entreprise ont été servis, il y a le reste ; et ce reste est la part des actionnaires, une part d’ailleurs que la méthode que j’ai utilisée a permis de calculer fort aisément, avec l'indexation justifiée relative au loyer de l’argent.

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Ce « reste » est par ailleurs contesté par ceux que j’ai appelés « les travaillistes ». Face aux objections du parti « capitaliste », qui pense que le capital est le fondement de l’économie, s’opposent évidemment des opinions contraires. Les partisans du Travail pensent avec juste raison qu’à l’origine de toute richesse se trouve le Travail. Ils en déduisent directement, et là je leur donne tort, que la répartition des profits n’est pas concevable, puisqu’aux travailleurs seuls doit revenir la totalité du profit. Je ne me contredis pas en leur donnant à la fois tort et raison, comme va le démontrer l’exposé qui va suivre.