L’existence d’un être humain n’est possible que si ses besoins vitaux sont satisfaits. Sa première activité est donc une activité de consommateur. Ce qui le contraint fatalement à exercer une autre activité, créatrice celle-là, qui consistera à reconstituer, et au-delà, ce qu’il a consommé et ce qu’il continuera à consommer. Cela le conduit à s’organiser en vue d’un travail profitable et de passer à l’exécution, c’est-à-dire à travailler.
Mais satisfaire ses besoins vitaux ne suffit pas à l’homme. Ce n’est qu’un premier pas, et il se découvre vite une multitude de désirs qu’il veut exaucer, parmi lesquels celui de travailler le moins de temps possible en vue de disposer du plus de temps possible afin de tirer profit de la vie, c’est-à-dire afin de développer progressivement toutes les possibilités de bonheur que sa propre nature contient en germe.
C’est donc un souci d’efficacité qui a amené les travailleurs à se grouper. En spécialisant leurs activités et en échangeant le produit de leurs efforts particuliers, leurs conditions de vie se sont considérablement améliorées. En fait, l’entr’aide est une des conditions les plus essentielles du progrès et, sur le plan économique, il est évident que le travail en communauté doit demeurer la règle.
Cependant le travail en commun donne des fruits qu’il convient de répartir entre tous ceux qui ont contribué à les faire mûrir. Ce partage doit être fait en toute justice. Le but de ce chapitre est de définir les règles selon lesquelles dans une entreprise, la part de chacun aura à être calculée de telle manière qu’en premier lieu, la justice y trouve son compte.
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Dans toute entreprise il faut un capital de départ, de la main-d’œuvre pour l’exécution du travail prescrit, un fondateur ou ses successeurs pour en assurer l’existence, la survie, la direction et la gestion. Ainsi le profit, si profit il y a, résulte de la conjonction de trois éléments distincts, chacun d’eux indispensable à la bonne marche de l'entreprise et qui sont :
Cela dit, il s’agit de déterminer, non pas d’une manière arbitraire ou tendancieuse, mais d’une manière mathématique comment il convient de partager, à la fin de chaque exercice social, c’est-à-dire ordinairement en fin d’année, l’ensemble des bénéfices réalisés par l’entreprise au cours » de cet exercice.
Pour déterminer le partage, je vais prendre un exemple chiffré. Les avantages d’une telle méthode surpassent ses désavantages par rapport au calcul algébrique.
Supposons donc qu’une entreprise, au terme d’un exercice comptable d’une année ait réalisé un chiffre d’affaires de 100 millions de francs. Cette somme, pour se servir d’autres termes, représente la recette globale de son activité ou, si l’on veut, le total des sommes qui résulte de l’ensemble des factures de l’année. Ces 100 millions de francs représentent le total des sommes qui sont entrées dans les caisses de la Société, où la dite Société puise pour faire face à ses dépenses.
Les dépenses globales de la Société sont des plus diverses. Mais très grossièrement on peut les subdiviser en deux grands chapitres :
a) le règlement des salaires, ainsi que toutes les charges sociales inhérentes aux salaires payés,
b) toutes les autres dépenses de quelque nature qu’elles soient et, comme supplément absolument indispensable, une somme déterminée, non dépensée, mais réservée, qui a pour objet de tenir compte de l’usure de l’outillage et d’une façon plus générale de celle des investissements de l’entreprise. C’est donc une réserve constituée en vue de pouvoir, le moment venu, régler le prix des équipements neufs, quand les anciens seront hors d’usage et auront à être remplacés. Dans la balance des comptes, on désigne ces sommes sous le poste « amortissements ».
Ceci établi, supposons que ces dépenses globales (a + b) financées par les sommes encaissées n’aient représenté que 90 millions de francs. Sur les cent millions de francs entrés, cela représente une marge de 10 millions de francs. Cette marge constitue la récompense, le profit réalisé par la société au cours de cette année d’activité. Exprimé en pourcentage sur les 100 millions de chiffre d’affaires, ce profit de 10 millions représente 10 %.
Au cours des calculs plus serrés qui vont suivre, on verra ce profit diminuer de valeur. Ces 10 millions ou ce 10 % ne représentent qu’une première approximation. Et c’est par approximations successives que l’on parviendra à trouver quel bénéfice exact la Société a finalement réalisé. Cette approche progressive est cependant nécessaire pour être en mesure de définir avec exactitude à quelle part de bénéfice chacun des éléments de l’entreprise est en droit de prétendre.