[8. Relations extérieures]

Cependant l'adoption d’une monnaie libellée en piastres pose certains problèmes quant aux relations commerciales du pays avec l’Etranger. Mais ces problèmes seront en fait plus faciles à résoudre que bien d’autres problèmes économiques, politiques et sociaux. Par exemple, par une politique douanière. En fait, à part tous les règlements, conventions et autres arrangements internationaux, qui sont en somme des signatures rendues régulièrement désuètes par d’autres signatures, les relations économiques internationales sont des affaires de troc, d’échanges de marchandises et de services qui se balancent régulièrement. Quand le cours des changes est fixé d’un commun accord, les balances commerciales peuvent être excédentaires ou déficitaires. Mais cela ne dure pas indéfiniment et elles finissent par s’équilibrer, soit par des mouvements d’or qui rééquilibrent la balance, soit par un réajustement des taux de change à la véritable valeur relative des devises entre elles.

Bref, c’est toujours par son travail que l’on peut acquitter ses achats. Ce n’est donc pas un problème inédit que d’appeler « travail » une monnaie d’échange. Quant à la valeur matérielle que prendra une piastre à l’étranger, elle se situera d’elle-même à la valeur moyenne de la production à l’intérieur. Si les richesses naturelles d’un pays sont grandes, si les impôts sont modérés, si l'équipement du pays est moderne et suffisant, la piastre de ce pays aura une valeur matérielle élevée. Dans le cas contraire cette valeur sera peu élevée. Ce qui veut dire que, quelle que soit l’unité de compte adoptée légalement dans chaque pays, chaque pays possède déjà sa piastre, qui possède une valeur déterminée et naturellement, la plupart du temps, différente des autres piastres. Quand des touristes vont en Russie et s’intéressent au coût de la vie dans l’Union Soviétique, ils rapportent automatiquement au gain en roubles du salarié le prix des objets de consommation. Cela, c’est déjà compter en piastres.

Dans tous les cas, cette façon de compter ne peut freiner le commerce avec l’étranger ; des ventes à l’extérieur doivent toujours balancer les importations, et les piastres au cours flottant verront leur valeur se fixer automatiquement au juste niveau dans l’échelle des monnaies de compte par l’arbitrage continuel des demandes et des offres.

C’est sur un autre plan que les difficultés se présenteront, dans les rapports entre les pays à monnaie « piastre » et les pays restés fidèles aux anciens systèmes du Gold Exchange Standard et de l’économie dirigée par en haut, par le sommet, par l’argent. Ce seront des difficultés de langue.

Le langage universel d’aujourd’hui, que tous les pays comprennent et dans lequel tous les accords sont conclus, c’est celui de la force, du pouvoir et de la richesse. Si un pays adoptait officiellement un langage différent, s’il devenait du même coup face aux autres l'analphabète complet, il occuperait alors dans l’assemblée des Nations la place difficile occupée par les Soviets en 1917, et la Chine actuellement. Période de temps transitoire, mais rude. Transitoire, parce que la révolution sociale est attendue par le Monde entier; rude, parce qu’une révolution ne se fait pas par des discours mais par des œuvres et par des combats, sans lesquels il n’y aurait pas de victoire. Puisse notre pays occuper un jour cette place d’honneur!