[3. Impôts illogiques: pénalisation du travail]

[Les impôts sont :]

4) Illogiques. Il est en outre illogique pour l’État de chercher à frapper le contribuable de cette manière, s’il attache au mode de perception de l’impôt un caractère moral. En effet, pour faciliter le progrès matériel de la population, il faut s’efforcer d’agrandir l’écart qui existe entre la consommation des richesses d’une part, et leur production d’autre part. Si cet écart augmente, cela voudra dire qu’un capital d’économies se forme, disponible pour des investissements futurs et des possibilités accrues de production. Par conséquent, l’impôt peut jouer un rôle positif ou négatif dans cette affaire. On peut taxer la consommation ou taxer la production. C’est toujours le même fardeau à supporter : le producteur et le consommateur sont la même personne; mais il est bien différent de l'infliger chaque fois qu’il produit ou chaque fois qu’il consomme. Dans le cas d’un impôt sur les bénéfices, c’est un frein à la production, dans le cas d’un impôt sur la consommation, c’est un frein au gaspillage. Ce dernier frein est bienfaisant tandis que le premier pénalise le travail.

Pénaliser le travail, directement ou indirectement, c’est s’en prendre en définitive aux travailleurs, fort nombreux, qui n’ont pas, tant s’en faut, les moyens d’échapper aux charges fiscales dont les riches parviennent, comme je l’ai dit plus haut à se délester. Beaucoup d’entre eux sont amenés à considérer les charges fiscales qui pèsent sur eux comme un plafond qui limite le développement de leur activité. Au-delà d’un certain stade, ils ont intérêt à « dételer », assurés qu’ils sont de ne plus travailler alors « que pour l’État ». Il faut évoquer ici le cas de ces milliers d’artisans, de commerçants, de professions libérales, des petites et moyennes entreprises également dont l’ENA a juré la perte, parce que leur existence prospère ne pourrait « coller » avec l’idée qu’elle s’est forgée d’une économie rationnelle.

« Jusqu’à preuve du contraire », pensent bon nombre d’intellectuels de l’Économie, « nous estimons que telles ou telles activités, à telle ou telle échelle, ne peuvent plus être rentables et sont donc condamnées à disparaître ». Une telle opinion est probablement défendable quelquefois, mais certainement pas chaque fois. En fait il y a tricherie. Honnêtement, les activités visées par cette déclaration devraient avoir la possibilité de fournir éventuellement la preuve du contraire. Avec la fiscalité actuelle, ce ne sont plus des juges de touche qui s’offrent à se prononcer objectivement, ce sont des combattants qui s’efforcent à faire triompher leur idéologie. Grâce aux impôts, grâce aux règlements, gràce à tout un arsenal de moyens de contrainte, la preuve du contraire ne passera pas.

Ils perdront sûrement la vie, ces blessés qu’on achève. L’artisan libre, le commerçant indépendant, le petit industriel entreprenant sont condamnés à disparaître grâce à un régime fiscal élaboré pour les faire disparaître. Leurs difficultés de vie actuelle ne sont pas dues uniquement aux progrès techniques réalisés au cours de ces dernières décennies. Elles proviennent essentiellement d’une volonté délibérée de prolétariser la masse des travailleurs encore libres pour réserver définitivement à une oligarchie de technocrates le droit de gérer sans opposition possible les affaires publiques et les affaires privées du pays tout entier. Le dirigisme d’État est de l’autogestion à rebours.

Chaque budget individuel se trouve soumis à l’analyse systématique des « compétences » de telle manière que l'épargne privée ne puisse nécessairement un jour trouver d’autre port d'attache que les investissements d’État. Ce but atteint, la propriété privée n’est plus une protection pour l’individu ni un danger pour l’autocratie de l’État. Tout ce qui n’est pas soustrait à l’individu par les impôts lui est soustrait par l'emprunt forcé. C’est une façon souple et féline de parvenir au super-capitalisme des régimes communistes. Ayant séparé sous un régime capitaliste classique leur sort de celui des travailleurs salariés, les victimes chloroformées, ne peuvent plus s’opposer à l’asphyxie lente qui les guette; ils sont sans alliés, ni sur leur droite, ni sur leur gauche, dans la solitude des vaincus.

C’est toujours par l’impôt sur le revenu que s’exerce l'omnipotence de l’État. Il n’est que de considérer les lois fiscales qui réglementent chaque année l’usage qui sera fait des bénéfices réalisés par les sociétés privées. L’État oriente cet usage; il favorise l'autofinancement au détriment d’une distribution de bénéfices. De cette manière il grossit la part de bénéfices dont il peut contrôler l’emploi facilement en attendant de la considérer comme sienne, venu le jour de l'accumulation définitive des moyens de financement à sa seule et unique disposition.